Journée de pauvre 3

Se lever le matin
Se faire belle, sentir bon
Attaquer sa journée avec l’enthousiasme d’un peshmergas ravi à l’idée d’en achever un ou deux (dossiers en suspens).
Remplir son dossier.
Parcourir une page de renseignements pratiques pour se rendre compte encore une fois qu’on a pas les 20 centimes nécessaires pour faire la photocopie qu’on vous demande.
Faire une demi-heure de bus pour se rendre en ville pour déposer son dossier en personne et faire faire la photocopie.
Voir une dame s’asseoir une minute à côté de vous puis se lever et descendre avant le départ du bus après qu’elle ait compris que vous étiez en train de peindre sur votre téléphone (ce n’est pas contagieux, quoique)
Attendre 10 mn puis être accueillie par une vacataire qui vous sert du madaaame
Apprendre qu’il faut désormais prendre rendez-vous par téléphone (payant, 6ct d’euro/mn), que le délai d’attente est de trois semaines et se laisser conseiller subrepticement de prendre rendez-vous plus près de chez vous après que la dame, de questions en questions ait compris quel était votre quartier d’origine. « Vous n’avez pas besoin de venir dans le centre » …
Se laisse dire avec un grand sourire qu’on peut laisser le dossier dans la boite
Envisager 5 mn de se consoller de sa mauvaise journée à la bibliothèque et la trouver fermée
Refaire une demi-heure de bus pour rentrer à la maison
Trouver un courrier de la Banque Postale sortant d’on ne sait où vous expliquant que vous avez demandé un recours qui demande un plus ample examen deux jours après avoir reçu un courrier qui vous informait qu’on vous accordait généreusement une remise pour deux prélèvement de frais soit 24 euros sur plus de 100…

Épilogue (provisoire, je le crains)
Un charmant jeune homme à la voix claire et fraîche s’empresse de me trouver un rendez-vous au plus rapide, là où j’étais le matin même. J’y passe 3 minutes à 6 cts d’euros et j’obtiens un rendez-vous à l’aube (à l’aube administrative s’entend). Me voilà presque sauvée.

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Journée de pauvre 2

Bien, prenons les problèmes avec ordre et méthodiquement. Un coup de fil (payant) à la Caf me confirme qu’il est impossible de toucher son RSA en cash. Lorsque je demande pourquoi, une fonctionnaire à l’amabilité glaciale me déclare que c’est « parce que c’est comme ça » « Vous vous rendez compte si tout le monde venait retirer son argent au guichet ! » je soumets l’idée que l’argent pourrait être envoyé par mandat cash… Mais non.
« Bonne journée à vous, dit la dame. »

J’essaie de comprendre… J’imagine donc qu’il s’agit de s’assurer que l’argent sera bien versé sur le compte de la Banque Postale (la seule qui accepte les pauvres) et qu’il sera bien disponible pour régler la dîme en temps et en heure plutôt que de risquer d’atterrir dans les mains d’infâmes dealers qui eux ne payent pas d’impôts.

Sur que tant qu’à se faire enlever le pain de la bouche autant que ce soit par des gens fréquentables.

Journée de pauvre

Une pause pour rassembler mes esprits avant d’attaquer la longue journée exaltante qui m’attend. Remplir et déposer le dossier de cmu, courir après une assistante sociale compétente s’il s’en trouve, appeler les gens qui contrôlent mes revenus pour savoir s’il n’auraient pas, par hasard un mail où je pourrais leur envoyer le document qu’ils me demandent, écrire mon courrier de recours pour la Banque Postale et lui demander comment il se fait qu’elle se permet de me coller plus de 100 euros de frais en un mois alors qu’on me refuse un prêt sous prétexte que je ne peux pas le rembourser. « Il ne faut pas faire de chèques » dit la dame, la question de savoir comment je vais faire pour manger sortant apparemment son champ de réflexion.

Autant d ‘activités riches et productives qui ne feront rien avancer d’un iota mais qui m’occuperont et donneront de quoi s’occuper à quelques fonctionnaires.
C’est ainsi qu’on occupe les pauvres, leur trouvant dans cesse de nouveaux labyrinthes à cartographier. Être pauvre, c’est un boulot à plein temps. Ça ne vous laisse guère le loisir pour autre chose. J’écris des poèmes entre deux portes, trois coups de téléphones vains, quatre recherches inutiles. J’écris des poèmes en douce comme lorsque enfant, j’écrivais au lieu de faire mes devoirs. À presque 50 ans, j’en suis encore à écrire en catimini, à écrire en dépit de « l’aide » qu’on m’octroie, la poésie sauvant ce qu’elle peut, se sauvant comme elle peut.